Aller au contenu

Page:Marivaux - La Vie de Marianne.pdf/558

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se peut bien que mon empressement n’eût pas été si vif, si je l’avais sue plus heureuse ; c’est que je ne me serais pas flattée non plus d’être si bien reçue : mais j’arrivais dans des circonstances qui me répondaient de son cœur ; j’étais comme sûre de la trouver meilleure mère, et je comptais sur sa tendresse à cause de son malheur.

Malgré toutes les informations que nous fîmes, madame Darcire et moi, nous avions déjà passé dix ou douze jours à Paris sans avoir pu découvrir où elle était, et j’en mourais d’impatience et de chagrin. Partout où nous allions nous parlions d’elle ; bien des gens la connaissaient ; tout le monde savait quelque chose de ce qui lui était arrivé, les uns plus, les autres moins ; mais comme je ne déguisais point que j’étais sa fille, que je me produisais sous ce nom-là, je m’apercevais bien qu’on me ménageait, qu’on ne me disait pas tout ce qu’on savait ; et le peu que j’en apprenais signifiait toujours qu’elle n’était pas à son aise.

Excédée enfin de l’inutilité de mes efforts pour la trouver, nous retournâmes au bout de douze jours, madame Darcire et moi, à la Place-Royale, dans l’espérance que ma mère y serait retournée elle-même, qu’on lui aurait dit que deux dames étaient venues l’y demander, et qu’en conséquence elle aurait bien pu laisser son adresse, afin qu’on la leur donnât, si elles revenaient la chercher.

Autre peine inutile ; ma mère n’avait pas reparu. On lui avait dit la première fois que le marquis ne serait de retour que dans trois semaines ou un mois, et sans doute elle attendait que ce temps-là fût passé pour se remontrer. Ce fut du moins ce qu’en pensa madame Darcire, qui me le persuada aussi.

Tout affligée que j’étais de voir toujours se prolonger mes inquiétudes, je m’avisai de songer que nous étions dans le quartier de madame Darneuil, de cette dame de la voiture, dont l’adresse était chez le marquis de Viry, avec qui, comme vous le savez, je m’étais liée d’une amitié assez tendre, et à qui d’ailleurs j’avais promis de donner de mes nouvelles.

Je proposai donc à madame Darcire d’aller la voir, puisque