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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/10

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ce qui, étant ce qu’ils sont, est très naturel. Car ils sont charmants ; ce sont des enfants bien nés. Même quand ils sont d’âge moyen cette définition s’ajuste parfaitement à eux. Ils ont une conscience infiniment délicate et susceptible, des scrupules exquis, des pudeurs infiniment aimables, des hésitations et des craintes de comprendre et des reculs et des mouvements de retraite qui les rendent extrêmement sympathiques. L’amour chez eux est, non seulement d’un beau naturel, mais d’une parfaite éducation.

On sent bien qu’il y a dans tout cela quelque chose d’un peu factice et que la nature, même très civilisée et polie, a une autre allure. Mais on ne peut s’empêcher de savoir gré à l’auteur de nous faire croire, ne fût-ce qu’un instant, qu’il y a des gens comme cela, et le talent de l’auteur, pourvu que nous y mettions un peu du nôtre, est précisément de nous donner cette illusion pendant tout le cours de la représentation.

Non pas plus longtemps à la vérité, et voilà le faible de ce théâtre charmant. La représentation achevée il n’en reste pas dans notre esprit ou dans notre cœur une trace profonde et nous ne nous souvenons guère que de ceci : que Marivaux est un charmeur. Voilà la différence profonde entre Marivaux et Molière ou Racine. Mais c’est quelque chose que de créer des personnages qui pendant deux siècles (et