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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/175

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Lisette.

Savez-vous bien qu’on n’a jamais dit pareille chose à une femme, et que vous m’insultez ?

Arlequin.

Point du tout ; il n’y a point de mal à voir ce que les gens nous montrent. Ce n’est point moi qui ai tort de vous trouver coquette ; c’est vous qui avez tort de l’être, mademoiselle.

Lisette.

Mais par où voyez-vous donc que je le suis ?

Arlequin.

Parce qu’il y a une heure que vous me dites des douceurs, et que vous prenez le tour pour me dire que vous m’aimez. Écoutez, si vous m’aimez tout de bon, retirez-vous vite afin que cela s’en aille ; car je suis pris, et naturellement je ne veux pas qu’une fille me fasse l’amour la première ; c’est moi qui veux commencer à le faire à la fille, cela est bien meilleur. Et si vous ne m’aimez pas… eh ! fi ! mademoiselle, fi ! fi !

Lisette.

Allez, allez, vous n’êtes qu’un visionnaire.

Arlequin.

Comment est-ce que les garçons, à la cour, peuvent souffrir ces manières-là dans leurs maîtresses ? Par la morbleu ! qu’une femme est laide quand elle est coquette !

Lisette.

Mais, mon pauvre garçon, vous extravaguez.

Arlequin.

Vous parlez de Silvia, c’est cela qui est aimable ! si je vous contais notre amour, vous tomberiez