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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/197

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Scène III

LE PRINCE, SILVIA, FLAMINIA.
Flaminia.

Voilà une créature bien effrontée !

Silvia.

Je suis outrée. J’ai bien affaire qu’on m’enlève pour se moquer de moi ; chacun a son prix. Ne semble-t-il pas que je ne vaille pas bien ces femmes-là ? Je ne voudrais pas être changée contre elles.

Flaminia.

Bon ! ce sont des compliments que les injures de cette jalouse-là.

Le Prince.

Belle Silvia, cette femme-là nous a trompés, le prince et moi ; vous m’en voyez au désespoir, n’en doutez pas. Vous savez que je suis pénétré de respect pour vous ; vous connaissez mon cœur. Je venais ici pour me donner la satisfaction de vous voir, pour jeter encore une fois les yeux sur une personne si chère, et reconnaître notre souveraine… mais je ne prends pas garde que je me découvre, que Flaminia m’écoute, et que je vous importune encore.

Flaminia.

Quel mal faites-vous ? Ne sais-je pas bien qu’on ne peut la voir sans l’aimer ?

Silvia.

Et moi, je voudrais qu’il ne m’aimât pas, car j’ai du chagrin de ne pouvoir lui rendre le change. Encore si c’était un homme comme tant d’autres, à qui l’on dit ce qu’on veut ; mais il est trop agréable