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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/204

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me plaignez, cela m’apaise ; je suis la moitié moins fâché d’être triste.

Flaminia.

Pardi ! qui est-ce qui ne vous plaindrait pas ? Qui est-ce qui ne s’intéresserait pas à vous ? Vous ne connaissez pas ce que vous valez, Arlequin.

Arlequin.

Cela se peut bien ; je n’y ai jamais regardé de si près.

Flaminia.

Si vous saviez combien il m’est cruel de n’avoir point de pouvoir ! si vous lisiez dans mon cœur !

Arlequin.

Eh ! je ne sais point lire ; mais vous me l’expliquerez. Par la mardi ! je voudrais n’être plus affligé, quand ce ne serait que pour le souci que cela vous donne ; mais cela viendra.

Flaminia.

Non, je ne serai jamais témoin de votre contentement ; voilà qui est fini ; Trivelin causera, l’on me séparera d’avec vous ; et que sais-je, moi, où l’on m’emmènera ? Arlequin, je vous parle peut-être pour la dernière fois, et il n’y a plus de plaisir pour moi dans le monde.

Arlequin, triste.

Pour la dernière fois ! J’ai donc bien du guignon ! Je n’ai qu’une pauvre maîtresse, ils me l’ont emportée ; vous emporteraient-ils encore ? et où est-ce que le prendrai du courage pour endurer tout cela ? Ces gens-là croient-ils que j’ai un cœur de fer ? Ont-ils entrepris mon trépas ? Seront-ils aussi barbares ?

Flaminia.

En tout cas, j’espère que vous n’oublierez