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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/21

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voulez-vous, beau jeune homme ? lui dites-vous. Je veux goûter, moi, répond-il. Mais n’êtes-vous point surpris de me voir ? ajoutez-vous. Eh ! mais oui, repart-il. Depuis quinze jours qu’il est ici, sa conversation a toujours été de la même force. Cependant vous l’aimez ; et, qui pis est, vous laissez penser à Merlin que lui, Merlin, va vous épouser ; et votre dessein, m’avez-vous dit, est, s’il est possible, d’épouser le jeune homme. Franchement, si vous les prenez tous deux, suivant toutes les règles, le second mari doit gâter le premier.

La Fée.

Je vais te répondre en deux mots. La figure du jeune homme en question m’enchante ; j’ignorais qu’il eût si peu d’esprit quand je l’ai enlevé. Pour moi sa bêtise ne me rebute point ; j’aime, avec les grâces qu’il a déjà, celles que lui prêtera l’esprit quand il en aura. Quelle volupté de voir un homme aussi charmant me dire, à mes pieds : Je vous aime ! Il est déjà le plus beau brun du monde ; mais sa bouche, ses yeux, tous ses traits seront adorables, quand un peu d’amour les aura retouchés ; mes soins réussiront peut-être à lui en inspirer. Souvent il me regarde, et tous les jours je crois être au moment où il peut me sentir et se sentir lui-même. Si cela lui arrive, sur-le-champ j’en fais mon mari. Cette qualité le mettra alors à l’abri des fureurs de Merlin ; mais, avant cela, je n’ose mécontenter cet enchanteur, aussi puissant que moi, et avec qui je différerai le plus longtemps que je pourrai.

Trivelin.

Mais si le jeune homme n’est jamais ni plus amoureux ni plus spirituel, si l’éducation que