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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/277

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La Marquise.

Voilà comment pense un honnête homme, par exemple.

Le Chevalier.

Voici une lettre que je ne saurais lui faire tenir, et qu’elle ne recevrait point de ma part ; vous allez incessamment à votre campagne, qui est voisine du lieu où elle est ; faites-moi, je vous supplie, le plaisir de la lui donner vous-même. La lire est la seule grâce que je lui demande ; et si, à mon tour, madame, je pouvais jamais vous obliger…

La Marquise, l’interrompant.

Eh ! qui est-ce qui en doute ? Dès que vous êtes capable d’une vraie tendresse, vous êtes né généreux, cela s’en va sans dire ; je sais à présent votre caractère comme le mien ; les bons cœurs se ressemblent, chevalier : mais la lettre n’est point cachetée.

Le Chevalier.

Je ne sais ce que je fais dans le trouble où je suis : puisqu’elle ne l’est point, lisez-la, madame, vous en jugerez mieux combien je suis à plaindre ; nous causerons plus longtemps ensemble, et je sens que votre conversation me soulage.

La Marquise.

Tenez, sans compliment, depuis six mois je n’ai eu de moment supportable que celui-ci ; et la raison de cela, c’est qu’on aime à soupirer avec ceux qui vous entendent : lisons la lettre.

(Elle lit.)

J’avais dessein de vous revoir encore, Angélique ; mais j’ai songé que je vous désobligerais, et je m’en abstiens ; après tout, qu’aurais-je été chercher ? Je ne saurais le dire ; tout ce que je sais, c’est que