Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/285

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est rompu, ma maîtresse vous a conseillé de rester, vous êtes tous deux dans la tristesse, et la conformité de vos sentiments fera que vous vous verrez souvent. Je suis attachée à ma maîtresse, plus que je ne saurais vous le dire, et je suis désolée de voir qu’elle ne veut pas se consoler, qu’elle soupire et pleure toujours ; à la fin elle n’y résistera pas : n’entretenez point sa douleur, tâchez même de la tirer de sa mélancolie ; voilà monsieur le comte qui l’aime, vous le connaissez, il est de vos amis, madame la marquise n’a point de répugnance à le voir ; ce serait un mariage qui conviendrait. Je tâche de le faire réussir ; aidez-nous de votre côté, monsieur le chevalier ; rendez ce service à votre ami ; servez ma maîtresse elle-même.

Le Chevalier.

Mais, Lisette, ne me dites-vous pas que madame la marquise voit le comte sans répugnance ?

Le Comte.

Mais, sans répugnance, cela veut dire qu’elle me souffre ; voilà tout.

Lisette.

Et qu’elle reçoit vos visites.

Le Chevalier.

Fort bien ; mais s’aperçoit-elle que vous l’aimez ?

Le Comte.

Je crois que oui.

Lisette.

De temps en temps, de mon côté, je glisse de petits mots, afin qu’elle y prenne garde.

Le Chevalier.

Mais, vraiment, ces petits mots-là doivent faire