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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/301

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La Marquise.

Expliquez-moi cette manière.

Hortensius.

Je ne sais pas trop bien quelle image employer pour cet effet, car c’est par les images que les anciens peignaient les choses. Voici comme parle un auteur dont j’ai retenu les paroles. Représentez-vous, dit-il, une femme coquette : primo, son habit est en pretintailles ; au lieu de grâces, je lui vois des mouches ; au lieu de visage, elle a des mines ; elle n’agit point, elle gesticule ; elle ne regarde point, elle lorgne ; elle ne marche pas, elle voltige ; elle ne plaît point, elle séduit ; elle n’occupe point, elle amuse ; on la croit belle, et moi je la tiens ridicule, et c’est à cette impertinente femme que ressemble l’esprit d’à présent, dit l’auteur.

La Marquise.

J’entends bien.

Hortensius.

L’esprit des Anciens, au contraire, continue-t-il, ah ! c’est une beauté si mâle, que pour démêler qu’elle est belle, il faut se douter qu’elle l’est : simple dans ses façons, on ne dirait pas qu’elle ait vu le monde ; mais ayez seulement le courage de vouloir l’aimer, et vous parviendrez à la trouver charmante.

La Marquise.

En voilà assez, je vous comprends : nous sommes plus affectés, et les anciens plus grossiers.

Hortensius.

Que le ciel m’en garde, madame ; jamais Hortensius…