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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/336

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Le Chevalier.

Entre nous, il est étonnant que vous ne vous lassiez pas de son indifférence. Parbleu, il faut quelques sentiments dans une femme. Vous hait-elle ? on combat sa haine. Ne lui déplaisez-vous pas ? on espère ; mais une femme qui ne répond rien, comment se conduire avec elle ? par où prendre son cœur ? un cœur qui ne se remue ni pour ni contre ; qui n’est ni ami ni ennemi, qui n’est rien, qui est mort, le ressuscite-t-on ? Je n’en crois rien ; et c’est pourtant ce que vous voulez faire.

Le Comte, finement.

Non, non, chevalier, je vous parle confidemment, à mon tour. Je n’en suis pas tout à fait réduit à une entreprise si chimérique, et le cœur de la marquise n’est pas si mort que vous le pensez : m’entendez-vous ? Vous êtes distrait.

Le Chevalier.

Vous vous trompez ; je n’ai jamais eu plus d’attention.

Le Comte.

Elle savait mon amour, je lui en parlais, elle écoutait.

Le Chevalier.

Elle écoutait ?

Le Comte.

Oui, je lui demandais du retour.

Le Chevalier.

C’est l’usage ; et à cela quelle réponse ?

Le Comte.

On me disait de l’attendre.