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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/355

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Lisette.

On dit que votre futur est un des plus honnêtes hommes du monde ; qu’il est bien fait, aimable, de bonne mine ; qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit, qu’on ne saurait être d’un meilleur caractère ; que voulez-vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux, d’union plus délicieuse ?

Silvia.

Délicieuse ! que tu es folle avec tes expressions !

Lisette.

Ma foi, madame, c’est qu’il est heureux qu’un amant de cette espèce-là veuille se marier dans les formes ; il n’y a presque point de fille, s’il lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l’épouser sans cérémonie. Aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l’amour ; sociable et spirituel, voilà pour l’entretien de la société. Pardi ! tout en sera bon, dans cet homme-là ; l’utile et l’agréable, tout s’y trouve.

Silvia.

Oui dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressemble, mais c’est un on dit, et je pourrais bien n’être pas de ce sentiment-là, moi. Il est bel homme, dit-on, et c’est presque tant pis.

Lisette.

Tant pis ! tant pis ! mais voilà une pensée bien hétéroclite !

Silvia.

C’est une pensée de très bon sens. Volontiers un bel homme est fat ; je l’ai remarqué.

Lisette.

Oh ! il a tort d’être fat ; mais il a raison d’être beau.