Aller au contenu

Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le croyons ; tu as l’air bien distingué, et l’on est quelquefois fille de condition sans le savoir.

Silvia.

Ah ! ah ! ah ! je te remercierais de ton éloge, si ma mère n’en faisait pas les frais.

Dorante.

Eh bien venge-t’en sur la mienne, si tu me trouves assez bonne mine pour cela.

Silvia, à part.

Il le mériterait. (Haut.) Mais ce n’est pas là de quoi il est question ; trêve de badinage ; c’est un homme de condition qui m’est prédit pour époux, et je n’en rabattrai rien.

Dorante.

Parbleu ! si j’étais tel, la prédiction me menacerait ; j’aurais peur de la vérifier. Je n’ai point de foi à l’astrologie, mais j’en ai beaucoup à ton visage.

Silvia, à part.

Il ne tarit point… (Haut.) Finiras-tu ? que t’importe la prédiction, puisqu’elle t’exclut ?

Dorante.

Elle n’a pas prédit que je ne t’aimerais point.

Silvia.

Non, mais elle a dit que tu n’y gagnerais rien, et moi, je te le confirme.

Dorante.

Tu fais fort bien, Lisette, cette fierté-là te va à merveille, et quoiqu’elle me fasse mon procès, je suis pourtant bien aise de te la voir ; je te l’ai souhaitée d’abord que je t’ai vue ; il te fallait encore cette grâce-là, et je me console d’y perdre, parce que tu y gagnes.