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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/402

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Silvia.

C’est que je suis bien lasse de mon personnage, et je me serais déjà démasquée, si je n’avais pas craint de fâcher mon père.

Monsieur Orgon.

Gardez-vous-en bien, ma fille ; je viens ici pour vous le recommander. Puisque j’ai eu la complaisance de vous permettre votre déguisement, il faut, s’il vous plaît, que vous ayez celle de suspendre votre jugement sur Dorante, et de voir si l’aversion qu’on vous a donnée pour lui est légitime.

Silvia.

Vous ne m’écoutez donc point, mon père ? Je vous dis qu’on ne me l’a point donnée.

Mario.

Quoi ! ce babillard qui vient de sortir ne t’a pas un peu dégoûtée de lui ?

Silvia, avec feu.

Que vos discours sont désobligeants ! m’a dégoûtée de lui ! dégoûtée ! J’essuie des expressions bien étranges ; je n’entends plus que des choses inouïes, qu’un langage inconcevable ; j’ai l’air embarrassé, il y a quelque chose ; et puis c’est le galant Bourguignon qui m’a dégoûtée. C’est tout ce qu’il vous plaira, mais je n’y entends rien.

Mario.

Pour le coup, c’est toi qui es étrange. À qui en as-tu donc ? D’où vient que tu es si fort sur le qui-vive ? Dans quelle idée nous soupçonnes-tu ?

Silvia.

Courage, mon frère ! Par quelle fatalité aujourd’hui ne pouvez-vous me dire un mot qui ne me