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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/420

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destinés l’un à l’autre. Il doit m’épouser ; si vous saviez combien je lui tiendrai compte de ce qu’il fait aujourd’hui pour moi, combien mon cœur gardera le souvenir de l’excès de tendresse qu’il me montre ! si vous saviez combien tout ceci va rendre notre union aimable ! Il ne pourra jamais se rappeler notre histoire sans m’aimer ; je n’y songerai jamais, que je ne l’aime. Vous avez fondé notre bonheur pour la vie, en me laissant faire ; c’est un mariage unique ; c’est une aventure dont le seul récit est attendrissant ; c’est le coup de hasard le plus singulier, le plus heureux, le plus…

Mario.

Ah ! ah ! ah ! que ton cœur a de caquet, ma sœur ! quelle éloquence !

Monsieur Orgon.

Il faut convenir que le régal que tu te donnes est charmant, surtout si tu achèves.

Silvia.

Cela vaut fait, Dorante est vaincu, j’attends mon captif.

Mario.

Ses fers seront plus dorés qu’il ne pense ; mais je lui crois l’âme en peine, et j’ai pitié de ce qu’il souffre.

Silvia.

Ce qui lui en coûte à se déterminer ne me le rend que plus estimable. Il pense qu’il chagrinera son père en m’épousant ; il croit trahir sa fortune et sa naissance. Voilà de grands sujets de réflexions ; je serai charmée de triompher. Mais il faut que j’arrache ma victoire, et non pas qu’il me la donne ; je veux un combat entre l’amour et la raison.