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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/458

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Angélique.

Moi qui suis naturellement vertueuse, sais-tu bien que je m’endors quand j’entends parler de sagesse ? Sais-tu bien que ce serait un grand bonheur pour moi si je n’étais pas coquette ? Je ne la serai pourtant pas ; mais ma mère mériterait bien que je le devinsse.

Lisette.

Ah ! si elle pouvait vous entendre et jouir du fruit de sa sévérité ! Mais parlons d’autre chose. Vous aimez Éraste ?

Angélique.

Vraiment oui, je l’aime, pourvu qu’il n’y ait point de mal à avouer cela ; car je suis si ignorante ! Je ne sais point ce qui est permis ou non, au moins.

Lisette.

C’est un aveu sans conséquence avec moi.

Angélique.

Oh ! sur ce pied-là je l’aime beaucoup, et je ne puis me résoudre à le perdre.

Lisette.

Prenez donc une bonne résolution de n’être pas à un autre. Il y a ici un domestique à lui qui a une lettre à vous rendre de sa part.

Angélique.

Une lettre de sa part, et tu ne m’en disais rien ! Où est-elle ? oh ! que j’aurai de plaisir à la lire ! donne-moi-la donc ! Où est ce domestique ?

Lisette.

Doucement ! modérez cet empressement ; cachez-en du moins une partie à Éraste. Si par hasard vous lui parliez, il y aurait du trop.