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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/512

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Frontin.

J’ai de sûrs témoins de ce que j’avance, mes yeux et mes oreilles… Hier, la comtesse…

Dorante.

Mais cela suffit ; ils s’aiment ; voilà une histoire finie. Que peut-il dire de plus ?

La Marquise.

Achève.

Frontin.

Hier, la comtesse et mon maître s’en allaient au jardin ; je les suis de loin. Ils entrent dans le bois ; j’y entre aussi. Ils tournent dans une allée, moi dans le taillis. Ils se parlent ; je n’entends que des voix confuses. Je me coule, je me glisse, et de bosquet en bosquet, j’arrive à les entendre et même à les voir à travers le feuillage… La bellé chose ! la bellé chose ! s’écriait le chevalier, qui d’une main tenait un portrait et de l’autre la main de la comtesse. La bellé chose ! Car, comme il est Gascon, je le deviens en ce moment, tout Manceau que je suis ; on peut tout, quand on est exact, et qu’on sert avec zèle.

La Marquise.

Fort bien.

Dorante Fort mal.

Frontin.

Or, ce portrait, madame, dont je ne voyais que le menton avec un bout d’oreille, était celui de la comtesse. Oui, disait-elle, on dit qu’il me ressemble assez. Autant qu’il sé peut, disait mon maître, autant qu’il sé peut, à millé charmés près qué j’adore en vous, qué lé peintre né peut qué remarquer, qui font lé désespoir dé son art, et qui né rélèvent qué du pinceau dé la nature.