Aller au contenu

Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Comtesse.

Vous me rassurez. Ce n’est pas qu’il n’ait tort ; vous êtes si aimable qu’il ne devait plus avoir des yeux pour personne. Mais peut-être vous était-il moins attaché qu’on ne l’a cru.

La Marquise.

Non, il me l’était beaucoup, mais je l’excuse. Quand je serais aimable, vous l’êtes encore plus que moi, et vous savez l’être plus qu’une autre.

La Comtesse.

Plus qu’une autre ! Ah ! vous n’êtes point si charmée, marquise. Je vous disais bien que vous me manqueriez de parole. Vos éloges baissent. Je m’accommode pourtant de celui-ci ; j’y sens une petite pointe de dépit qui a son mérite ; c’est la jalousie qui me loue.

La Marquise.

Moi, de la jalousie ?

La Comtesse.

À votre avis, un compliment qui finit par m’appeler coquette, ne viendrait pas d’elle ? oh ! que si, marquise ; on l’y reconnaît.

La Marquise.

Je ne songeais pas à vous appeler coquette.

La Comtesse.

Ce sont de ces choses qui se trouvent dites avant qu’on y rêve.

La Marquise.

Mais, de bonne foi, ne l’êtes-vous pas un peu ?

La Comtesse.

Oui-da ; mais ce n’est pas assez qu’un peu. Ne vous refusez pas le plaisir de me dire que je le suis beaucoup ; cela n’empêchera pas que vous ne le soyez autant que moi.