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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/67

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seulement quelquefois son petit nez me trotte encore dans la tête ; mais quand je ne songe point à elle, je n’y gagne rien ; car je pense à toutes les femmes en gros, et alors les émotions de cœur que vous dites viennent me tourmenter. Je cours, je saute, je chante, je danse ; je n’ai point d’autre secret pour me chasser cela, mais ce secret-là n’est que de l’onguent miton-mitaine. Je suis dans un grand danger ; et, puisque vous m’aimez tant, ayez la charité de me dire comment je ferai pour devenir fort, quand je suis faible.

Lélio.

Ce pauvre garçon me fait pitié. Ah ! sexe trompeur, tourmente ceux qui t’approchent, mais laisse en repos ceux qui te fuient !

Arlequin.

Cela est tout raisonnable ; pourquoi faire du mal à ceux qui ne te font rien ?

Lélio.

Quand quelqu’un me vante une femme aimable et l’amour qu’il a pour elle, je crois voir un frénétique qui me fait l’éloge d’une vipère, qui me dit qu’elle est charmante, et qu’il a le bonheur d’en être mordu.

Arlequin.

Fi donc ! cela fait mourir.

Lélio.

Eh ! mon cher enfant, la vipère n’ôte que la vie. Femmes, vous nous ravissez notre raison, notre liberté, notre repos ; vous nous ravissez à nous-mêmes, et vous nous laissez vivre ! Ne