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Page:Markovitch - La Révolution russe vue par une Française, 1918.djvu/102

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LA RÉVOLUTION RUSSE

animaux tués pendant l’hiver. Imaginez ces gens transportés tout à coup à la ville, à la caserne. Tout leur est un sujet d’étonnement, d’admiration ou de terreur. Le dernier des gradés leur apparaît comme une espèce de Dieu, omnipotent et omniscient. Ils ne manquent pas d’intelligence, mais tout concourt à les paralyser : leur vocabulaire, qui les sert mal, leurs gestes que la timidité rend gauches. Ils comprennent à peine les ordres qu’on leur donne, et Dieu sait comment ils les exécutent ! Une parole ou un geste de colère les terrorise et il faudrait être un ange pour n’avoir jamais ce geste avec eux. Le sentiment de terreur dompté, ils sont, comme les autres, capables de faire d’excellents soldats, mais aussi de se livrer aux pires fantaisies.

« Donc, j’arrive à la caserne. J’entre au poste de la compagnie. Plusieurs gradés y sont réunis autour d’un praportchik. Une botte gît sur le plancher, la tige fendue du haut en bas, avec un couteau. Le praportchik, furieux, gesticule et crie :

« — En voilà une brute ! Fendre sa botte pour couper à l’exercice ! Et, en temps de guerre, encore ! Ah ! il va voir ! Il va voir !