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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/129

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parfum qu’un cigare allumé, avait quitté les appartements.

Mme la marquise de Montcalm, qui était ma marraine, comme on l’a vu au début de ces notes, me recevait d’ordinaire vers midi, un moment avant l’heure de son lever, lequel se faisait méthodiquement chaque jour vers deux heures. Et qu’est-ce que c’était que ce lever ? Une manière un peu plus commode, un peu plus élégante de garder le lit, voilà tout. La pauvre femme, qui était encore fort belle par les yeux, par l’intelligence, par le brillant de la conversation, ne pouvait se mouvoir seule, ni marcher par conséquent. Elle avait une maladie cruelle que la science appelle, je crois, ostéomalaxie. C’est le ramollissement des os.

Mme de Montcalm ne pouvait se servir de ses jambes, et la colonne vertébrale même était chez elle fort compromise, ses bras seuls étaient parfaitement libres et sains.

Après lui avoir fait sa toilette, ses deux femmes de chambre la portaient de son lit sur une chaise longue placée dans son salon, et la recouvraient d’une gaze chargée de broderies qui lui cachait entièrement le corps à partir de la ceinture ; son buste seul restait à découvert. Elle avait près d’elle une petite table à roulettes, sur, laquelle se trouvaient entassés des livres, des brochures, des lettres et des papiers de toute sorte. Tant qu’elle était seule, elle lisait ou écrivait, mais dès qu’on lui annonçait quelqu’un, elle repoussait elle-même sa petite table et se mettait tout entière à la