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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/155

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devisé jusqu’à minuit sur la manière de nous justifier de notre équipée galante, nous nous décidâmes à aller dormir.

Le lendemain matin, en entrant dans mon cabinet, je trouvai, piqué sur mon grimoire, un petit chiffon de papier qui contenait ces mots : « On vous a surpris hier, sur le théâtre, Fleury et vous ; c’est fort mal ! Plus on approche l’autorité, moins il faut se compromettre ! »

Je montai aussitôt près de mon complice, et je lui lus l’arrêt fatal. Nous étions encore très préoccupés de la juste remontrance de notre excellent préfet, lorsqu’on vint nous annoncer que le déjeuner était servi. Il nous sembla que c’était beaucoup plus tôt qu’à l’ordinaire, et nous aurions bien voulu pouvoir renvoyer la partie au lendemain.

Nous entrâmes dans la salle à manger ; M. des Touches nous reçut le sourire aux lèvres, et comme si nous n’avions pas péché la veille. Il ne nous dit pas un seul mot de notre étourderie, qu’il aurait sans doute commise s’il eût été lui-même à notre place, car son penchant pour les jolies femmes n’était pas toujours bien secret ; il causa gaiement, selon son habitude, de tous ces petits riens qu’on aime à dire pendant le repas et qui délassent souvent l’esprit fatigué des travaux trop sérieux.

Au fond de l’âme M. des Touches nous excusait, car il en avait fait tout autant à notre âge ; mais il fallait maintenir le décorum parmi ses jeunes et bouillants