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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/159

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chargée des livres, des gravures à la mode, et entourée de vases remplis de fleurs parfumées, que d’aller au café faire avec quelques camarades une causerie saugrenue, un cigare ou une pipe à la bouche, en face d’un arsenal de cruchons débouchés ou d’un bol de punch à la flamme pétillante.

Mon préfet avait l’habitude, chaque fois que des grands acteurs du Théâtre-Français venaient donner une représentation à Versailles, de les inviter à dîner. Cette politesse était d’autant mieux appréciée par ceux qui en étaient l’objet, qu’à cette époque, la Restauration semblait vouloir rappeler ou plutôt ressusciter, à l’égard des comédiens, de faux et gothiques préjugés. Talma vint dîner un jour de 1816 avec Mlle Duchesnois.

Talma n’était ni grand ni petit ; il avait des traits fins et délicats, l’œil vif et observateur, ses manières étaient très élégantes. C’est peut-être le seul homme de talent que j’aie vu parler pour l’amusement des autres et non pour le sien propre ; exemple malheureusement peu suivi. Il ne se laissait guère entraîner à la causerie que lorsqu’on le provoquait ou quand il s apercevait qu’il était agréable. Dans un aparté en sortant de table, il nous conta mille charmantes historiettes sur ce qu’il appelait la naïveté de Mlle Duchesnois : « Une fois, nous dit-il, j’allais avec elle donner quelques représentations à Troyes ; nous voyagions ensemble dans la même chaise de poste, et, tout le long de la route, elle ne cessait de me répé-