Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/175

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mais aux petits enfants qui les avaient inspirées, les grandes personnes se les disputaient à l’envi, et en faisaient une des curiosités les plus coquettes de leur album.

Brack savait un peu de tout, et pouvait soutenir avec succès une conversation sur quelque matière que ce fût ; son esprit fin, observateur, quêteur même, le forçait à étudier les questions les plus étrangères à son métier, et c’est pour cela qu’il pouvait donner en toute chose des conseils toujours sérieux, des indications toujours utiles.

Étant en garnison à Nevers, Brack traversait chaque matin une des places principales de la ville pour se rendre au quartier de cavalerie. Toujours il remarquait en passant une espèce de baladin qui avait établi une baraque en planches dans un des angles et faisait, dès l’aube, des efforts inouïs, mais souvent inutiles, pour arrêter les villageois venant au marché, devant un grand tableau dont les sujets qui le composaient étaient presque entièrement effacés par le temps et par la pluie. Dans l’intérieur de son théâtre en plein vent, le baladin montrait des figures de cire représentant les diverses scènes indiquées sur le tableau qui servait d’amorce aux curieux. Cet homme, à l’œil intelligent, à l’air actif, ne jouait pas mal du violon, et le colonel était surpris que son talent n’attirât pas plus d’amateurs à son spectacle. Un jour notre musicien parut au colonel triste et sombre, il n’avait pas son entrain habituel, il se promenait en long et en large, les bras