Aller au contenu

Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rieux crépitaient comme des balles sur les flancs de notre frêle esquif, et le flot humain roulait, poussé par la voix tonitruante de Charette ! » J’eus plus d’un cauchemar pendant la nuit qui suivit ce récit émouvant, et je restai troublé jusqu’au moment où prenant mes livres et réfléchissant un peu, je reconnus que le passage de la Loire avait eu lieu au mois d’octobre, que Charette n’y assistait pas et qu’à cette époque, Charles Nodier, ayant une douzaine d’années, ne pouvait guère jouer un rôle en Vendée, pays où il n’est probablement jamais allé.

Le célèbre écrivain était plein de bénignité, mais souvent d’une bénignité mordante. Un vieux gentilhomme franc-comtois énumérait un jour devant lui les crimes de Louis-Philippe ; la liste en était si longue que Nodier, impatienté, fatigué, finit par dire au narrateur, lorsque celui-ci eut terminé : « Monsieur le marquis, il y a encore un crime du roi que vous avez oublié. — Lequel donc, monsieur Nodier, demanda vivement le gentilhomme, dont la physionomie s’épanouissait de joie en voyant qu’il allait pouvoir ajouter à sa stupide nomenclature un forfait de plus, lequel donc, je vous prie ? » Alors Nodier, avec cet air bonhomme qu’il savait si bien prendre lorsqu’il voulait décocher un trait aigu à bout portant : « Monsieur le marquis, répondit-il, c’est la mort d’Abel. »


(Bains de Louèche. Juillet 1850.) Il est curieux ici, après avoir admiré le pays, d’entrer dans les salles