Aller au contenu

Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réunies en la même personne plus d’élégance, plus de distinction, plus, enfin, de cette manière impossible à copier qui révèle la femme comme il faut. Il n’y a pas une de ses poses, un de ses gestes, qui ne soit plein de grâce et de mollesse. Dès qu’elle paraît, c’est comme un soleil qui se lève et qui éclaire tout ce qui l’entoure d’un reflet brillant. Sa danse, d’une noble simplicité, est la danse d’une reine, elle est sobre de pas, ainsi que le veut la mode d’aujourd’hui, mais ceux de ses pas qui s’échappent parfois des plis de sa robe longue et flottante sont d’un fini parfait, et laissent apercevoir un pied et une jambe qui donnent le délire.

Sa conversation n’est pas celle d’une femme instruite, c’est la conversation d’une femme du monde qui a beaucoup vu et qui sait beaucoup. Jamais Mme de Görtz ne dit du mal de son prochain, elle est, sous ce rapport, d’une réserve poussée jusqu’à l’excès. Mariée très jeune encore à l’un des plus grands seigneurs de l’Allemagne, elle n’a pas été longtemps heureuse. Le comte de Görtz, qu’elle aimait passionnément, avait contracté la funeste habitude de boire, de s’enivrer même jusqu’à tomber dans l’abrutissement le plus complet. Tous les efforts d’une tendresse ingénieuse ne purent lutter contre ce défaut. Bien que d’une constitution robuste, le comte de Görtz se laissa entraîner à tant d’abus que sa santé déclina rapidement et qu’il mourut à peine âgé de vingt-huit ans, c’est-à-dire trois années seulement après avoir épousé Mlle Emma de Bulow, petite-fille du général prussien dont l’arrivée inattendue sur le champ