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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/298

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quel régiment, continua le prince, serviez-vous au moment de la Révolution ? — Dans Royal-cavalerie, répondit Noirot, et j’étais adjudant sous-lieutenant chargé de l’instruction des hommes à cheval. En cette qualité, j’allais souvent chez mon colonel, M. le duc de Crussol, et c’est là, très certainement, où nous nous sommes rencontrés. — Oui, c’est précisément là, » reprit le duc avec vivacité, et il révéla son nom à Noirot qui l’ignorait, le commandant du château, Harel, ayant reçu l’ordre formel de ne le dévoiler à personne. Après avoir rappelé quelques particularités saillantes de cette époque et quelques anecdotes curieuses sur le personnel de son régiment, le petit-fils du grand Condé prit affectueusement la main de l’officier et la lui serra à plusieurs reprises.

Le noble prisonnier était épuisé de fatigue, il témoigna le désir de prendre un peu de repos. Le lieutenant Noirot se leva aussitôt et prit respectueusement congé du prince : « Monseigneur, lui dit-il au moment d’ouvrir la porte, songez que vous ne me connaissez pas et que, de mon côté, j’ignore aussi votre nom. Cette recommandation est aussi sacrée pour vous que pour moi. » Puis il se rendit auprès de ses camarades réunis dans une salle voisine, et telle était, dans ces corps d’élite, l’habitude de la discipline et de la discrétion, qu’aucun d’eux ne lui adressa la moindre question sur ce qu’il avait pu apprendre ou deviner du personnage mystérieux dont on lui avait confié la garde.