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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/301

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J’ai entendu raconter au lieutenant-colonel Noirot lui-même les détails de ce drame sanglant et il n’en parlait jamais qu’avec l’expression d’une profonde douleur. Ses entretiens familiers avec le prince qui avait été si bienveillant pour lui et qui, dès l’abord, l’avait jugé digne de sa confiance la plus entière, cette connaissance faite dans un moment si solennel, tout cela ne pouvait manquer d’impressionner un cœur aussi bon, aussi parfait, que celui de Noirot, et si notre compatriote, au lieu d’avoir été préposé, par le hasard du service, à la garde du duc d’Enghien, eût été président de la commission militaire chargée de le juger, ce prince, très probablement, n’aurait point été fusillé.

Capitaine, puis chef d’escadron dans la gendarmerie impériale, Noirot avait été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1804, chevalier de Saint-Louis en 1815, et doté sur le Monte-Napoleone d’une rente de mille francs, en récompense des services rendus par lui pendant les campagnes d’Ulm, d’Austerlitz, d’Iéna et de Friedland. Après sa mise à la retraite, cet officier distingué obtint la perception de Wagney, près de Remiremont, mais, en 1823, lorsque le duc de Rovigo publia le fragment de ses mémoires où il rapportait les diverses circonstances du procès du duc d’Enghien, Noirot perdit sa place, tant les hommes de la Restauration étaient ombrageux et craintifs. La conduite de notre compatriote, dans cette affaire où il joua un si noble rôle, devait être plutôt récompensée que punie.