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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/309

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« Pendant que j’étais préfet de police, je reçus un matin, de très bonne heure, un message du docteur Véron que l’on me disait si pressant, que je crus, dès l’abord, à une conspiration politique découverte à notre insu par les propriétaires du Constitutionnel. Le docteur Véron me priait tout simplement de lui faire connaître le jour et l’heure de l’exécution d’un assassin condamné naguère à la peine de mort et dont le pourvoi venait d’être rejeté par la Cour de cassation. — Je vous demande ce renseignement, ajoutait l’ancien directeur de l’Opéra, pour Mlle Rachel qui, avant de jouer le rôle d’Adrienne Lecouvreur, désire savoir comment on meurt. — Cette lettre m’inspira un tel dégoût que je la jetai sur ma table avec l’intention bien formelle de n’y donner aucune suite. Mais le lendemain j’étais à peine entré dans mon cabinet que l’on m’annonça M. Gilbert des Voisins ; il venait, de la part du docteur Véron, chercher lui-même ma réponse. Il me fut impossible alors de résister au désir de faire observer à ce messager complaisant qu’une exécution capitale n’avait aucune analogie avec la mort d’Adrienne Lecouvreur, et que ce n’était pas à une pareille source non plus que le talent si noble de Mlle Rachel devait aller puiser ses inspirations. Je ne voulais pas être dupe, d’un autre côté, des amis de notre grande tragédienne ; elle n’avait d’autre but, en assistant à ce terrible spectacle, que de se procurer une émotion nouvelle, inconnue, et dont sa curiosité de