Aller au contenu

Page:Martin - Histoire des églises et chapelles de Lyon, 1908, tome II.djvu/472

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
448
histoire des églises et chapelles de lyon

lets, lancés par l’armée régulière. La guerre civile éclata, à la suite d’une grève d’ouvriers en soie, et à l’occasion du procès des principaux meneurs, qui l’avaient provoquée. Ils appartenaient, pour la plupart, au comité central de la Société mutuelliste, fondée en 1828, qui avait voté l’arrêt des battants contre une réduction de fr. 25 centimes l’aune, sur le prix des façons. On les jugea, le 9 avril. Au cours de l’audience, un coup de fusil, tiré à Bellecour, fut le signal de la première fusillade. La troupe visa sur des groupes isolés. Mais l’agitation régnait un peu partout, et la Croix-Housse, d’où elle était partie, n’en était pas l’unique foyer. La place des Cordeliers, dès le matin de ce jour, avait été envahie ; vers onze heures, elle se remplissait de « voraces » armés : ils creusaient des tranchées à l’entour et dressaient des barricades, à l’angle des rues aboutissantes, ils obéissaient à leur chef, du nom de Lagrange. L’église, dont on avait fermé les portes par prudence, est envahie ; on se précipite sur les cordes des cloches et on sonne le tocsin. Vers cinq heures, une escouade d’infanterie, qui débouche par la rue de la Gerbe, balaie la place, mais sans l’occuper, car elle a l’ordre de se rendre aux Terreaux ; les blessés sont portés à l’église et à la chapelle des Fonts baptismaux, transformée en ambulance. On put encore, le jeudi matin, célébrer plusieurs messes, mais bientôt nefs et chapelles furent envahies par une foule bruyante, dont la fureur, échauffée par trop de libations, s’en prit aux ornements des autels, aux statues, aux bancs, aux confessionnaux, et, par amour du désordre autant que du pillage, brisa le mobilier et vida les troncs. Le combat reprit au dehors et on continua d’apporter, sur des brancards improvisés, les malheureux relevés ensanglantés sur le pavé ; quatorze d’entre eux succombèrent, au témoignage d’un des prêtres qui les assistaient ; beaucoup furent évacués sur l’Hôtel-Dieu, après un pansement provisoire. À une faible distance de ces scènes d’agonie, il avait été établi un magasin de poudre et une fabrique de cartouches ; les émeutiers se rendaient là faire leurs approvisionnements, et, jetant un regard sur leurs frères moribonds, ils s’excitaient à courir les venger. On se battit jusqu’au samedi ; les soldats toutefois gagnaient du terrain, et peu à peu ils enfermaient, dans l’îlot des Cordeliers, les factieux qui résistaient encore. Vers les trois heures de l’après-midi, on apprend que Saint-Nizier est tombé en leur pouvoir et, tout à coup, on aperçoit déboucher, au couchant de la place, deux compagnies au pas de course. Les barricades sont enlevées, presque sans résistance, et les insurgés fuient en désordre dans l’église, essaient de se dérober par la sortie de la rue Champier, ou se cachent dans les coins obscurs. Les soldats hésitent à les y suivre, mais un coup de feu, tiré de l’intérieur et qui atteint un des leurs, porte au comble leur colère ; ils y répondent par une décharge générale et pénètrent dans l’enceinte, décidés à n’épargner aucun rebelle Il y eut alors une heure d’odieux carnage et comme une chasse à l’homme, derrière les piliers, sur les autels, dans les confessionnaux et les placards des chapelles. Un ouvrier tombe dans la grande nef et meurt, en criant : Vive la République ; trois sont exécutés sur les marches de l’autel du Crucifix, deux au pied de la tribune, trois autres en face de la chaire, un dans le vestibule de la cure ; un enfant de seize ans est fusillé sur le seuil de Saint-Luc et, au même endroit, malgré les prières de deux des vicaires, malgré leurs propres cris de grâce, deux jeunes gens de dix-huit à vingt ans sont massacrés, à bout portant, par un peloton commandé ; leur