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Page:Martin - Histoire des églises et chapelles de Lyon, 1908, tome II.djvu/484

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histoire des églises et chapelles de lyon

cette scène unique dans l’histoire du moyen-âge lyonnais, on s’efforça du moins d’en réveiller le souvenir et d’en évoquer l’ombre. Pie IX envoya un bref d’encouragement et d’indulgences. Une intéressante découverte fournit ce qu’il ne sera pas trop inconvenant d’appeler un des clous de la fête, relevant les pompes liturgiques par une sensation d’art inespérée. Racontons ce fait ; tout aussi bien il tiendra lieu d’exorde à la description du Triduum. Un franciscain d’Italie, parcourant les bibliothèques de France, pour étudier les manuscrits du docteur Séraphique, en vue d’une prochaine édition, apprit à Murât, grâce à un simple annuaire, que cette ville possédait un tableau, dont le sujet concernait le Saint dont il s’occupait. S’enquérir de son asile, demander qu’on le lui montrât, former le rêve de le décrocher au profit de son couvent de Venise, le P. de Fanna n’y manqua point ; mais on lui répondit qu’il avait été expédié à Clermont-Ferrand. Il courut à Clermont et sa curiosité se tourna en déception ; il eut, sous les yeux, une toile de 3 mètres de hauteur environ sur 2m30 de large, tombant à peu près en lambeaux, avec des déchirures énormes et de nombreuses avaries. Les figures étaient heureusement épargnées, elles conservaient la fraîcheur de leur coloris et la scène de la résurrection d’un enfant par le cardinal Bonaventure n’avait pas trop été détériorée. La signature de l’artiste et la date se lisaient au bas : Franciscus Lombardus faciebat 1639. Le prix, proposé par le marchand, parut au franciscain au-dessus de ses ressources ; il pensa bien faire d’en écrire à M. le Curé de Saint-Bonaventure et le pressa de ne pas dédaigner une si exceptionnelle occasion d’enrichir son église et d’en glorifier le patron. L’abbé Merley, avant d’avoir achevé la lecture de la lettre, qui l’instruisait, était convaincu ; il se rendit chez le brocanteur et lui enleva le précieux cadre pour 4.000 francs ; il confia à un peintre auvergnat, âgé de quatre-vingt-quatre ans, M. Robut, le soin de procéder au rentoilage et aux différentes réparations, et il ne douta pas un instant qu’il ramenait un chef-d’œuvre, sauvé des iconoclastes. Il invita les amateurs à venir l’admirer, le peuple entier à le vénérer ; dans sa bouche et sous sa plume, le tableau devint un tableau miraculeux et son exposition, un événement dans le monde artistique. Deux ou trois fabriciens murmurèrent que la dépense était peut-être exagérée ; ils n’osèrent pas toutefois avoir trop raison contre leur pasteur, qu’ils aimaient beaucoup, et ils payèrent avec bonne grâce ces frais et les autres, considérables, qu’entraînèrent les solennités du centenaire.

Le Triduum annoncé se transforma en onze journées mémorables d’offices ininterrompus, de prédications, de processions et de prières, où l’on accourut en foule, de la Croix-Rousse comme de Perrache, de la banlieue et même des départements limitrophes. L’église, gardienne des reliques du célèbre théologien, avait été richement décorée ; partout écussons, oriflammes, étendards rappelaient une date de l’histoire de Bonaventure, un prodige de son intercession, le titre de ses principaux ouvrages ; à la voûte et entre les colonnes, sont suspendues les bannières de chacune des paroisses de la cité, comme un hommage plus spécial, rendu au patronage traditionnel, que les magistrats et les jeunes gens invoquèrent si longtemps. Derrière le maître-autel, très haut, afin qu’elle n’échappe à aucun regard, on a dressé la statue de l’évêque glorifié, crosse en main, mitre en tête, sous sa chape d’or, abrité dans une niche resplendissante. Le tableau du miracle est suspendu, en face de la