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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/103

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immatériel, né d’aujourd’hui, qui regardait agir le premier, qui le dominait.

Il ne put demeurer assis, et se mit à tourner en rond dans la chambre. Un sentiment neuf et puissant le tenait debout : la conscience d’une force. Il s’était approché de la porte, et il restait là, le front au carreau, l’œil fixé sur la lampe du couloir désert. L’atmosphère suffocante du calorifère augmentait sa fatigue. Il dormait presque. Tout à coup, de l’autre côté de la vitre, une ombre se dressa. La porte, fermée à double tour, s’ouvrit : Arthur apportait le dîner.

— « Allons, dépêche, petite grapule ! »

Avant d’entamer les lentilles, Jacques retira du plateau le morceau de gruyère et le gobelet d’eau rougie.

— « Pour moi ? » dit le garçon. Il sourit, prit le bout de fromage et s’en fut le manger près de l’armoire, afin de n’être pas vu de la porte. C’était l’heure où, avant son dîner, M. Faîsme venait, en pantoufles, faire un tour dans le couloir ; et le plus souvent on ne s’apercevait de sa visite qu’après son passage, à l’odeur écœurante du cigare qui pénétrait par le treillage de l’imposte.