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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/128

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venez, partisan d’infliger à Jacques un châtiment sévère, et ce simulacre de réclusion me semblait bien fait pour l’obliger à réfléchir, à s’amender. Mais, que diantre, je n’avais jamais songé que ce dût être une véritable incarcération, ni surtout qu’elle pût lui être imposée si longtemps. Songez-y ! Depuis huit mois, un enfant de quinze ans à peine, seul, en cellule, sous la surveillance d’un gardien sans instruction et sur l’honorabilité duquel vous n’avez que des renseignements officiels ? Il prend quelques leçons, soit ; mais ce professeur de Compiègne, qui lui consacre trois ou quatre heures en toute une semaine, que vaut-il ? Vous n’en savez rien. D’autre part vous alléguez votre expérience. Permettez-moi de rappeler que j’ai vécu douze années avec des écoliers, et que je n’ignore pas tout à fait ce qu’est un garçon de quinze ans. L’état de délabrement physique, et surtout moral, dans lequel a pu tomber es pauvre petit, sans qu’il y paraisse à vos yeux, mais c’est à faire frémir ! »

— « Vous aussi ? » répliqua M. Thibault. « Je vous croyais l’esprit plus solide », ajouta-t-il avec un petit rire sec. « D’ailleurs, il ne s’agit pas de Jacques en ce moment… »