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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/135

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sur les bras de son fauteuil, il se penchait sur son existence et n’y découvrait pas un acte qui fût pur. Des souvenirs lancinants surgissaient de l’oubli. L’un d’eux, plus pénible que tous les autres ensemble, l’assaillit avec une précision si brutale qu’il prit son front entre ses mains. Pour la première fois de sa vie peut-être, M. Thibault avait honte. Il connaissait enfin ce suprême dégoût de soi, si intolérable qu’aucun sacrifice ne paraît trop cher, pourvu qu’il soit une réhabilitation, qu’il achète le pardon divin, qu’il rende à l’âme désolée la paix, l’espérance du salut éternel. Ah, retrouver Dieu… Mais retrouver d’abord l’estime du prêtre, mandataire de Dieu… Oui… Ne pas vivre une heure de plus dans cet isolement maudit, sous cette réprobation…

Le grand air l’apaisa. Il prit une voiture pour arriver plus vite. L’abbé Vécard vint lui ouvrir ; sa figure, éclairée par la lampe qu’il souleva pour reconnaître le visiteur, était impassible.

— « C’est moi », fit M. Thibault ; il tendit machinalement la main, se tut et se dirigea vers le cabinet de travail. « Je ne viens pas