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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/138

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— « Mais pourtant ! » continua l’abbé. « Ad majorem Dei gloriam. Cela seul importe, et tout le reste n’est pas bien. Vous êtes, mon cher ami, de la race des forts, c’est-à-dire des orgueilleux. Je sais combien il est malaisé de la tenir courbée dans le bon sens, cette force d’orgueil ! Combien il est difficile de ne pas vivre pour soi, de ne pas oublier Dieu, lors même que l’on est tout occupé d’œuvres pies ! De ne pas être parmi ceux dont Notre-Seigneur a si tristement dit un jour : “ Ce peuple m’honore des lèpres, mais leur cœur est bien éloigné de moi ! ” »

— « Ah », dit M. Thibault avec exaltation, sans baisser la tête, « c’est terrible… Je suis même seul à savoir jusqu’à quel point c’est terrible ! »

Il éprouvait un apaisement délicieux à s’humilier ; il sentait confusément que c’était par là qu’il pourrait reconquérir le prêtre, et sans rien avoir à céder sur la question du pénitencier. Une force le poussait à faire davantage encore, à surprendre l’abbé par la profondeur de sa foi, par l’étalage d’une générosité inattendue : forcer sa considération, à n’importe quel prix.

— « L’abbé ! » fit-il soudain, et son regard