Aller au contenu

Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même ; l’orgueil a de telles racines, qu’au moment du plus fervent repentir, c’était avec une prodigieuse jouissance d’orgueil qu’il savourait son humilité. L’abbé l’enveloppa d’un regard pénétrant : jusqu’à quel point cet homme pouvait-il être sincère ? Pourtant, à cette minute, la face de M. Thibault rayonnait de renoncement et de mysticité, au point que l’on n’en apercevait plus les bouffissures ni les rides, au point que cette figure de vieillard avait la candeur d’un visage d’enfant. Le prêtre en fut bouleversé. Il eut honte de la satisfaction mesquine qu’il avait prise, dans la matinée, à confondre le gros publicain. Les rôles se renversaient. Il fit un retour vers sa propre vie. Etait-ce bien pour la seule gloire de Dieu qu’il avait quitté avec tant d’empressement ses élèves, qu’il avait brigué, à l’archevêché, cette place près du soleil ? Et ne tirait-il pas chaque jour un coupable plaisir personnel à exercer cette finesse de diplomate qu’il avait mise au service de l’Église ?

— « En toute conscience, est-ce que vous croyez que Dieu me pardonnera ? »

Cette voix anxieuse rappela l’abbé Vécard