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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/150

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soulagée, cependant. « Et c’est ici que tu es venue ? »

Nicole fit un mouvement d’épaules qui semblait dire : « Où aller ? Je n’ai personne. »

— « Assieds-toi, ma chérie. Voyons… Tu as l’air bien fatiguée. Tu n’as pas faim ? »

— « Un peu. » Elle souriait pour s’excuser.

— « Mais pourquoi ne le dis-tu pas ! » s’écria Mme de Fontanin, en entraînant Nicole dans la salle à manger. Quand elle vit comment la petite mordait dans son pain beurré, elle tira du buffet un reste de viande froide et des confitures. Nicole mangeait, sans rien dire, honteuse de son appétit, incapable de le masquer. Le sang montait à ses joues. Elle but coup sur coup deux tasses de thé.

— « Depuis quand n’avais-tu rien mangé ? » demanda Mme de Fontanin, dont le visage était plus bouleversé que celui de l’enfant, « Tu as froid ? »

— « Non. »

— « Mais si, tu frissonnes. »

Nicole fit un geste d’impatience : elle s’en voulait de ne pas pouvoir cacher ses faiblesses.