Aller au contenu

Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troubler ses traditions domestiques et bouleverser sa conception de la famille et de l’éducation. Antoine s’expliqua l’attitude de Mademoiselle par la joie que lui apportait le retour de Jacques, et par le respect qu’elle portait aux décisions de M. Thibault, surtout lorsqu’elles étaient sanctionnées par l’abbé Vécard. Mais, à la vérité, l’empressement de Mademoiselle avait une autre cause : le soulagement qu’elle éprouvait à voir Antoine quitter l’appartement. Depuis qu’elle avait recueilli Gise, la pauvre demoiselle vivait dans la terreur des contagions. N’avait-elle pas, un printemps, tenu Gise emprisonnée pendant six semaines dans sa chambre, n’osant pas lui laisser prendre l’air ailleurs que sur le balcon, et retardant le départ de toute la famille pour Maisons-Laffitte, parce que la petite Lisbeth Fruhling, une nièce de la concierge, avait attrapé la coqueluche, et qu’il eût fallu passer devant la loge pour sortir de la maison ? Il va sans dire qu’Antoine, avec son relent d’hôpital, ses trousses et ses livres, lui semblait un danger permanent. Elle l’avait supplié de ne jamais prendre Gise sur ses genoux. Si, par inadvertance, il jetait, en rentrant, son paletot