Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/194

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

t’aimais autrefois ; je n’y pensais pas. Tu vois que je suis franc. Mais je sens bien que cela aussi est changé. Je suis très content, très… ému même, de te voir là, près de moi. La vie va être plus facile à deux, et meilleure. Tu ne crois pas ? Vois-tu, quand je rentrerai de l’hôpital, je suis sûr que je me dépêcherai pour être plus tôt revenu chez nous. Et je te trouverai là, assis à ton bureau, ayant travaillé avec entrain. N’est-ce pas ? Et le soir, on redescendra de bonne heure, on s’installera chacun de son côté, sous la lampe, et on laissera les portes ouvertes, pour se voir, pour se sentir Voisins… Ou bien, certains soirs, on bavardera, on bavardera ensemble comme deux amis, sans pouvoir se décider à se coucher… Qu’est-ce que tu as ? Tu pleures ? »

Il s’approcha de Jacques, s’assit sur le bras de son fauteuil, et, après une hésitation, lui prit la main. Jacques, tenait détourné son visage en larmes, mais il gardait dans les siennes la main d’Antoine, et pendant une grande minute, il la serra fébrilement, à la broyer.

— « Antoine ! Antoine ! » s’écria-t-il enfin d’une voix étouffée. « Ah, si tu savais tout