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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/214

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ses livres, la mort dans l’âme, il la laissa partir. Mais, sitôt seul, il se renversa en arrière, et il eut un sourire si parfaitement amer, qu’il s’approcha de la glace, afin d’en jouir objectivement. Pour la vingtième fois, son imagination lui représentait la scène convenue : Lisbeth assise, lui debout, la nuque… Il en ressentit un écœurement, mit ses mains devant ses yeux, et se jeta sur le canapé pour pleurer. Mais les larmes ne venaient pas ; il n’éprouvait que de l’énervement et de la rancune.


Quand elle entra, le jour suivant, elle avait un air attristé que Jacques prit pour un reproche, et qui fit fondre aussitôt son ressentiment. En réalité, elle venait de recevoir une mauvaise lettre de Strasbourg : son oncle la réclamait ; l’hôtel était plein ; Fruhling acceptait de patienter une semaine encore, mais pas davantage. Elle avait pensé montrer la lettre à Jacques ; mais il vint à elle avec un regard si timide et si tendre, qu’elle se retint de rien dire de triste. Elle s’assit distraitement sur le canapé, juste à la place où il avait décidé qu’elle serait, et il se tenait debout, à l’endroit où il s’était