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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/225

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oreilles décollées, la bouche entr’ouverte, lui donnaient un air stupide ; il devenait très rouge. « D’ailleurs, c’est par erreur que cette lettre est arrivée ici ! J’avais ordonné qu’on m’écrive poste restante ! Là, au moins, je recevrai les lettres que je veux, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit ! »

Antoine l’examinait toujours, sans répondre. Ce silence lui donnait beau jeu et masquait son embarras ; jamais encore l’enfant ne lui avait parlé sur ce ton.

— « D’abord, je veux revoir Fontanin, entends-tu ? Personne ne m’en empêchera ! »

Ce fut un trait de lumière : l’écriture du cahier gris ! Jacques correspondait avec Fontanin, malgré sa promesse. Et elle, Mme de Fontanin, était-elle au courant ? Autorisait-elle cette correspondance clandestine ?

Antoine, pour la première fois, se voyait contraint d’endosser un rôle de parent ; le temps n’était pas éloigné où il eût pu avoir devant M. Thibault l’attitude que Jacques avait en ce moment devant lui. L’aspect des choses s’en trouvait renversé.

— « Tu as donc écrit à Daniel ? » demanda-t-il en fronçant les sourcils.