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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/231

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sans rien savoir de lui ; je ne lui en veux pas trop, mais toi, Antoine, ce n’est pas pareil. Tu connais Daniel, tu le comprends, tu as vu sa mère ; tu n’as aucune raison d’être comme papa. Tu dois être content que j’aie cette amitié. Il y a bien assez longtemps que je suis seul ! Pardon, je ne dis pas ça pour toi, tu sais bien. Mais toi, c’est une chose ; et Daniel, c’est une autre. Tu as bien des amis de ton âge, toi ? Tu sais bien ce que c’est d’avoir un vrai ami ? »

« Ma foi, non… », songeait Antoine, en remarquant l’expression heureuse et tendre que prenait le visage de Jacques, dès qu’il prononçait ce mot d’ami. Il eut soudain envie d’aller à son frère et de l’embrasser. Mais le regard de Jacques avait quelque chose d’irréductible et de combatif, qui était blessant pour l’orgueil d’Antoine. Aussi eut-il la velléité de heurter cette obstination, de la briser. Cependant l’énergie de Jacques lui en imposait un peu. Il ne répondit rien, allongea les jambes et se mit à réfléchir. « En réalité », se disait-il, « moi qui ai l’esprit large, je dois convenir que l’interdiction de mon père est absurde. Ce Fontanin ne peut avoir sur Jacques qu’une bonne in-