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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/278

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silence de Daniel l’effrayait. « C’est ma faute, d’ailleurs, je le sais. Je n’ai pas été avec vous ce que je suis vraiment. Avec Jenny, oui. Avec vous, je me suis laissé aller, vous avez cru… Mais, au fond, non. Pas ça. Je ne veux pas d’une vie… d’une vie qui commencerait comme ça. Est-ce que c’aurait été la peine de venir auprès d’une femme comme tante Thérèse ? Non ! Je veux… Vous allez vous moquer de moi, mais ça m’est égal : je veux pouvoir, plus tard… mériter le respect d’un homme qui m’aimera pour de vrai, pour toujours… D’un homme sérieux, enfin… »

— « Mais je suis sérieux », hasarda Daniel, avec un sourire piteux qu’elle devina au son de sa voix. Elle eut aussitôt conscience que tout danger était écarté.

— « Oh non », fit-elle presque gaîment. « Ne vous fâchez pas de ce que je vais vous dire, Daniel ; vous ne m’aimez pas. »

— « Oh ! »

— « Mais non. Ce n’est pas moi que vous aimez, c’est… autre chose. Et moi non plus, je ne vous… Tenez, je vais être franche : je crois que jamais je ne pourrai aimer un homme comme vous. »

— « Comme moi ? »