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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/38

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terrifiée et comique, puis se mit à rire.

— « Mais non ! C’est là que couche le surveillant. Vous voyez : il place son lit bien au milieu, à égale distance des parois ; il voit tout, entend tout, et ne risque rien. D’ailleurs il a sa sonnerie d’alerte, dont les fils passent sous le plancher. »

D’autres dortoirs se composaient de logettes juxtaposées, en maçonnerie, fermées de grilles comme les stalles d’une ménagerie. M. Faîsme s’était arrêté sur le seuil. Son sourire prenait parfois une expression désabusée, pensive, qui prêtait un instant à sa figure poupine la mélancolie de certains bouddhas.

— « Ah, docteur », expliqua-t-il, « ici, ce sont nos terribles ! Ceux qui sont arrivés chez nous trop tard pour être sérieusement amendés : ce n’est pas la crème… Il y en a d’un peu vicieux, pas vrai ? On est bien obligé de les tenir isolés la nuit. »

Antoine approcha le visage d’une des grilles. Il distingua dans l’ombre un grabat défait, des murs chargés de dessins obscènes et d’inscriptions. Il fit un mouvement de recul.

— « Ne regardez pas, c’est trop triste », soupira le directeur en l’entraînant. « Vous