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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/80

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Antoine. « L’abbé est prodigieux, il a des relations dans tous les clans. L’élection a lieu dans trois semaines. » Il ne riait plus ; il murmura : « Ça ne fait rien, membre de l’Institut, c’est quelque chose tout de même. Et Père l’a bien gagné, tu ne trouves pas ? »

— « Oh, si ! » fit Jacques spontanément. « Papa est bon, tu sais, dans le fond… » Il s’arrêta, rougit, voulut ajouter quelque chose, et ne s’y décida pas.

— « J’attends que Père soit confortablement assis sous sa coupole, pour faire un coup d’État », reprit Antoine avec animation. « Je suis vraiment à l’étroit dans la chambre du bout ; je ne sais plus où mettre mes livres. Tu sais qu’on a installé Gise dans ton ancienne chambre ? Je voudrais décider Père à louer le petit logement du rez-de-chaussée, celui du vieux beau ; il déménage le quinze. Trois pièces ; j’aurais un vrai cabinet de travail où je pourrais recevoir des clients, et même une espèce de laboratoire que j’installerais dans la cuisine… »

Il eut honte tout à coup d’exposer ainsi au reclus sa vie libre, ses désirs de confort ; il s’aperçut qu’il venait de parler de la chambre de Jacques, comme si celui-ci ne