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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/83

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Jacques fut sur le point de pleurer. Il ferma les poings au fond de ses poches, serra les mâchoires, et baissa la tête. Antoine, le regardant à la dérobée, remarqua un tel changement sur ses traits, qu’il eut peur :

— « Cette longue promenade t’a fatigué ? » demanda-t-il.

Le ton de cette voix parut à Jacques d’une tendresse nouvelle ; incapable de prononcer un mot, il tourna vers son frère son visage crispé ; et cette fois ses yeux s’emplirent de larmes.

Antoine, stupéfait, le suivit en silence. Mais lorsqu’ils eurent redescendu la ville, traversé le pont, et qu’ils se trouvèrent sur le chemin de halage, il se rapprocha de son frère et prit son bras.

— « Tu ne regrettes pas ta promenade habituelle ? » fit-il en souriant.

Jacques ne répondit rien. Mais, tout à coup, ces bouffées de liberté qui le grisaient depuis des heures, et ce porto, et cette fin d’après-midi si douce, si triste… L’émotion excédait ses forces : il éclata en sanglots. Antoine l’entoura de son bras, le soutint, l’assit contre lui sur le talus. Il ne songeait plus à découvrir dans la vie de Jacques de