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Page:Martineau - Mémoire sur quelques affaires de l'Empire Mogol (Jean Law de Lauriston 1756-1761), 1913.djvu/275

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repas. C’est le compliment pour la bonne arrivée, auquel les Orientaux manquent rarement, du moins parmi les Mahométans. Si j’avois eu à faire à un prince gentil, il m’auroit peut être envoyé cent ou deux cent roupies.

Dès le lendemain, j’eus audience du nabab en grande cérémonie ; il affecta une gravité à laquelle je voyois bien qu’il n’étoit pas accoutumé. Quoique instruit passablement des affaires du Bengale, il me demanda fort obligemment le récit de ce qui s’étoit passé, ce qui m’avoit engagé à venir sur ses terres, ce qui m’étoit arrivé sur la route, enfin sans avoir lu Virgile, il me fit un compliment par la bouche de son ministre tout ausi bien trouvé que celui de Didon à messire Ænée. La comparaison ne sera peut-être pas trouvée juste. Pour moi je n’y vois rien qui doive choquer si fort. Si je suis inférieur à Ænée, Soudjaotdola est assurément un plus grand seigneur et un plus grand terrien que n’étoit la reine Didon. On pourroit toujours faire une proportion géométrique de la valeur des personnages. Quoique je doive le respect sans doute a Messire Ænée, je ne sais si à la tête de mon détachement, j’aurois été d’humeur à lui céder le pas. Quoiqu’il en soit, je m’engageai dans un récit presque aussi triste que le sien. Soudjaotdola y parut sensible, moins à cause de moi, je crois, que par l’intérêt personnel qu’il devoit y prendre. Du reste les apparences furent en ma faveur, surtout après qu’il eût jeté les yeux sur