Page:Marx et Engels - Le manifeste communiste, II.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

multitude rampe sous la verge d’un despote ou sous celle des castes privilégiées… Les plus adroits ou les plus heureux dépouillèrent et dépouillent sans cesse la multitude[1]. » Aussi arrive-t-il un moment où, « la révolte des pauvres contre les riches est d’une nécessité que rien ne peut vaincre ».

Les sociétés républicaines, sous le règne de Louis-Philippe, étaient imbues de cette doctrine. Dès 1832, au Procès des Quinze, où furent condamnés les chefs de la Société des Amis du Peuple, Blanqui avait dit que toutes les luttes politiques se réduisaient à « la guerre entre les riches et les pauvres », et que « les riches étaient les agresseurs, puisqu’ils exerçaient un indigne péage sur les masses laborieuses[2] »

Mais Blanqui est le révolutionnaire qui eut le plus d’action sur la Fédération allemande des Justes sept ans plus tard[3].

Pourtant la propagande saint-simonienne, qui avait repris avec une force sans égale en 1829 par les conférences où Bazard fit exposé de la doctrine, n’avait pas moins vigoureusement marqué la notion de lutte des classes[4]. Bazard usait d’un terme plus abstrait : l’exploitation de

  1. Buonarroti, ouv. cit., I, 84.
  2. Babeuf, Tribun du peuple du 13 vendémiaire, cité par V. Advielle. Histoire de Gracchus Babeuf, t. II, p. 31. — Procès des Quinze, 1832, p. 79, et Tchernoff, ouv. cit., p.261.
  3. V. plus haut, p. 23 sq.
  4. Bazard. Doctrine saint-simonienne, 1854, 6e séance : Transformation successive de l’exploitation de l’homme par l’homme, et du droit de propriété. Maître, esclave. — Patricien, plébéien. — Seigneur, serf. — Oisif, travailleur.