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le loup

empourpré descendit derrière les grands arbres nus, ils battirent les fourrés sans rien trouver.

Tous deux enfin, furieux et désolés, revenaient au pas de leurs chevaux par une allée bordée de broussailles, et s’étonnaient de leur science déjouée par ce loup, saisis soudain d’une sorte de crainte mystérieuse.

L’aîné disait :

— Cette bête-là n’est point ordinaire. On dirait qu’elle pense comme un homme.

Le cadet répondit :

— On devrait peut-être faire bénir une balle par notre cousin l’évêque, ou prier quelque prêtre de prononcer les paroles qu’il faut.

Puis ils se turent.

Jean reprit :

— Regarde le soleil s’il est rouge. Le grand loup va faire quelque malheur cette nuit.

Il n’avait point fini de parler que son cheval se cabra ; celui de François se mit à ruer. Un large buisson couvert de feuilles mortes s’ouvrit devant eux, et une bête colossale, toute grise, surgit, qui détala à travers le bois.

Tous deux poussèrent une sorte de grognement