Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/132

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— Assieds-toi là, dit-il.

Elle s’assit et ils restèrent pendant quelques instants à côté l’un de l’autre, embarrassés tous les deux, les bras inertes et encombrants, et sans se regarder en face, à la façon des paysans.

Le fermier, gros homme de quarante-cinq ans, deux fois veuf, jovial et têtu, éprouvait une gêne évidente qui ne lui était pas ordinaire. Enfin il se décida et se mit à parler d’un air vague, bredouillant un peu et regardant au loin la campagne.

— Rose, dit-il, est-ce que tu n’as jamais songé à t’établir ?

Elle devint pâle comme une morte. Voyant qu’elle ne lui répondait pas, il continua :

— Tu es une brave fille, rangée, active et économe. Une femme comme toi, ça ferait la fortune d’un homme.

Elle restait toujours immobile, l’œil effaré, ne cherchant même pas à comprendre, tant ses idées tourbillonnaient comme à l’approche d’un grand danger. Il attendit une seconde, puis continua :