Page:Maupassant - La Maison Tellier.djvu/253

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du jeune homme aux cheveux jaunes qui s’endormit auprès de lui.

Un des canotiers se dévoua : il prit la mère. — « Au petit bois de l’île aux Anglais ! » cria-t- il en s’éloignant.

L’autre yole s’en alla plus doucement. Le rameur regardait tellement sa compagne qu’il ne pensait plus à autre chose, et une émotion l’avait saisi qui paralysait sa vigueur.

La jeune fille, assise dans le fauteuil du barreur, se laissait aller à la douceur d’être sur l’eau. Elle se sentait prise d’un renoncement de pensées, d’une quiétude de ses membres, d’un abandonnement d’elle-même, comme envahie par une ivresse multiple. Elle était devenue fort rouge avec une respiration courte. Les étourdissements du vin, développés par la chaleur torrentielle qui ruisselait autour d’elle, faisaient saluer sur son passage tous les arbres de la berge. Un besoin vague de jouissance, une fermentation du sang parcouraient sa chair excitée par les ardeurs de ce jour ; et elle était aussi troublée dans ce tête-à-tête sur l’eau, au milieu de ce